Abercrombie & Fitch est une marque qui a connu un engouement sans pareil pour une marque de mode. Elle était réputée comme cool et typiquement américaine alors que les vêtements qu’elle proposait étaient assez ordinaires.
Les personnes qui achetaient Abercrombie & Fitch se fichaient presque des vêtements. Ils adhéraient à un idéal. Ce style de vie vanté par la marque était vendu par un marketing extrêmement bien rodé.
Pourtant tout aussi néfaste que populaire, cette méthode enrôlait les jeunes du monde entier en quête de coolitude à l’américaine.
Cette époque est aujourd’hui révolue. Les méthodes douteuses employées par Abercrombie & Fitch ont été dévoilées, les forçant à changer drastiquement ou fermer. La question se pose toujours pour autant : devraient ils toujours exister ?
J’ai voulu rapprocher ce cas d’un autre très similaire (d’ailleurs lié entre eux) celui de Victoria’s Secret. Les deux compagnies ont prôné ce qu’ils pensaient être l’idéal américain : des jeunes beaux, minces, sexys et plutôt blanc également. Cela a révélé des problèmes éthiques, raciaux, d’hyper-sexualisation, de harcèlement et de discrimination. C’est bien plus plus au final que de véhiculer un mauvais message à une clientèle cible.
Abercrombie & Fitch : Un incursion assez rapide sur le marché français !
Abercrombie & Fitch est resté relativement peu connu en France et pour cause la marque a ouvert sa première boutique à Paris en 2011 pour la fermer en 2020. Cette ouverture avait pourtant à l’époque beaucoup fait parler d’elle …
- Adresse emblématique : Tout d’abord l’emplacement était très prestigieux, il avait choisi les Champs Elysées. Bien que cette avenue ai perdu de son prestige ses 10 dernières années, elle reste toujours aussi emblématique auprès des touristes.
- Bâtiment de prestige : Ils avaient choisi un magnifique hôtel particulier de pas moins de 10000 m² de surface de vente ! C’était véritablement gigantesque pour une boutique.
- Ambiance Abercrombie : La boutique (comme toutes celles de la marque) était atypique. En effet il n’y avait aucune lumière naturelle, il y faisait très sombre, la musique était très forte comme en boite de nuit et on se retrouvait instantanément embaumé par une odeur de parfum de la marque.
- Vente atypique : Vous ne trouverez point de vendeurs accueillants vous aidant à la marque, non il s’agit plutôt d’hôtes et hôtesses aux physiques irréprochables qui doivent représenter la marque plus qu’aider à la vente.
Les français n’étaient pas du tout habitués à ce type de marketing à l’américaine … L’ouverture du magasin a tout de même fait beaucoup de bruit … En effet ils avaient embauché des mannequins hommes qui devaient être vêtus uniquement de jeans ! Ils étaient donc torse nus ! Il faisait assez froid le jour de l’inauguration tant et si bien qu’il a été demandé de les couvrir pour qu’ils n’attrapent pas froid …
Aujourd’hui seuls les magasins Hollister (autre marque du groupe) sont encore présents à travers de petits magasins principalement en centre commerciaux
Abercrombie & Fitch : Une image « cool typiquement américaine » !
A l’époque je voulais aller visiter la boutique Abercrombie & Fitch de Paris mais devant la queue des premiers mois, j’y ai renoncé. Quand l’effet de mode de l’ouverture s’est dissipé j’aurais pu m’y rendre mais je n’en ai pas ressenti l’envie n’étant finalement pas attiré ni par l’ambiance feutré des magasins, ni par le style de vêtements, ni par l’aspect séduction à l’extrême pratiqué par le personnel de vente.
Cependant ce n’est pas l’image que j’avais en tête lorsque je vivais aux Etats-Unis (j’y ai séjourné en 1997, 1999, 2005 et en vacances en 2011). La marque était très populaire mais cela était du uniquement à son marketing ! D’ailleurs je n’ai acheté qu’un seul jeans qui n’avait rien d’extraordinaire … C’était un peu un Tommy Hilfiger croisé avec Ralph Lauren mais au rabais coté qualité ou design … Ils voulaient véhiculer cette image de jeunes populaires américains tels qu’ils sont représentés dans les teen movies … On aurait pu reconnaitre les personnages de One Three Hill (Les Frères Scott). Tous les jeunes du monde enviait ce type de jeunes et voulaient leur ressembler !
Quand la cool attitude poussée à son paroxysme pousse à la dérive !
L’image qu’ils véhiculaient était magnifique. Qui n’aurait pas envie d’être jeune, beau et populaire ? Cela fait rêver indéniablement mais ils sont allés un peu trop loin dans leur concept … Lorsque vous entriez dans une boutique et que vous vous retrouviez face à un homme aux abdos parfaits torse uni, il y a de quoi se sentir mal à l’aise … De plus il faut se rappeler que la marque se destinait aux adolescents ! Ils se comparaient déjà aux images surréalistes des mannequins sur papier glacé mais y être confronté dans une boutique de façon aussi crue rend la chose bien plus réelle. Cela peut provoquer des complexes et ainsi alimenter des psychoses allant jusqu’à des troubles du comportement alimentaire par manque d’identification.
Les principes véhiculés étaient simples à comprendre (mais pas moins toxiques) :
- La loi du plus fort l’emportera toujours
- Le plus beau = le meilleur
- Correspondre aux canons de beautés = être cool
- Populaire & imité par ses pairs = Cool (ils ont été pionniers de l’influence en ce sens)
L’effet était le même chez Victoria’s Secret. Ils ne montraient que des mannequins aux corps absolument parfaits. Il n’y a rien de mal à montrer de beaux corps bien sur. Cependant leurs défilés annuels allaient bien plus loin. Ils étaient réputés pour être ultra sélectifs dans le monde du mannequinat. Les models dévoilaient qu’elles ne mangeait rien jusqu’à 3 jours avant le défilé pour être la plus parfaite possible ! Ca ne dérangeait personne, elles étaient même l’exemple à suivre ! Des millions de jeunes filles à travers le monde ont pensé que la privation, la lutte contre son corps était la seule façon de devenir belle et par conséquent populaire !
De la cool attitude à la discrimination & au harcèlement !
Une partie de ces faits ont démontré dans le documentaire Netflix Abercrombie une marque sur le fil (traduit du meilleur titre anglais White Hot: The Rise & Fall of Abercrombie & Fitch : Sexy & blanc : L’ascension et la chute d’Abercrombie)
Le documentaire retrace l’origine du succès d’Abercrombie qui prônait sans honte l’exclusivité, le beau, le meilleur. Ils expliquent aussi leur déclin. Ils évoquent aussi brièvement à la fin le rebranding de la marque.
Le documentaire montre bien avec témoignages à l’appui qu’il y avait deux faits tout à fait inacceptable au delà de prôner une image parfaite et exclusive :
- Harcèlement au travail
- Discrimination des employés en fonction de leur beauté / race / poids
- Distribution de vêtements uniquement sur en tailles classiques dans un pays ou le surpoids est omniprésent prônant l’exclusivité !
- Harcèlement sexuel des modèles de la part du photographe Bruce Weber
- Rapprochement de la marque (ainsi que de la marque Victoria’s Secret) avec le traffic sexuel de Jeffrey Epstein
- Discrimination raciale envers les employés mais aussi à travers des messages racistes véhiculés par la marque à travers ses T-shirts.
Victoria’s Secret clamait convenir à toutes prônant tout de même le culte du corps parfait !
Le cas de Victoria’s Secret est assez similaire au cas d’Abercrombie & Fitch ! Ils prônaient aussi l’exclusivité à travers des publicités avec des mannequins au corps parfaits ! Ils ont été épinglés une première fois pour une publicité pour le moins hypocrite :
De nombreuses contre publicités de la publicité sont alors apparues montrant une réelle diversité à la fois ethniques mais aussi dans le type de corps … Sans le savoir c’est cette publicité qui a signé le début de la fin du règne de Victoria’s Secret. S’en suivirent un certain nombre de scandales dont le rapprochement de la marque avec Jeffrey Epstein.
Rebranding des marques Abercrombie & Victoria’s Secret !
Que ce soit Abercrombie & Fitch ou Victoria’s Secret, elles ont toutes deux perdu leur prestige et même leur effet de désidérabilité auprès des consommateurs. Ainsi afin de ne pas faire faillite, ils ont effectué un virage à 180° avec un rebranding en règle pour coller aux standards actuels en forçant très nettement le trait pour paraitre comme de bons élèves repentis de leurs fautes passées.
Résultat de cette manoeuvre désespérée :
- Annonces officielles avouant leurs fautes passées promettant sous serment qu’on ne les reprendrait plus énonçant scrupuleusement chacune de leur faute promettant qu’elles ne se produiraient plus dans leur entreprise :
- Victoria’s Secret ne prônerait plus l’extrême minceur en employant des mannequins plus size mais aussi hors normes comme des mannequins trisomiques, transexuels … Ils ont fait le grand écart en embauchant le plus de personnes considérés comme minorités ou hors normes pour correspondre au « nouveau cool »
- Abercrombie & Fitch ne prônerait plus l’hyper-sexualisation en couvrant ses modèles de leurs vêtements (à la fois ça pourrait s’avérer utile pour les vendre…). Ils ont promis aussi des campagnes plus inclusives avec des modèles de toutes ethnies.
Hypocrisie d’une inclusions forcée pour regagner une bonne image …
Les deux marques ont effectué un virage à 180° pour ne pas fermer mais doit-on pour autant les féliciter et les plébisciter comme avant ? Entre cancel culture et culture woke quelle serait la bonne attitude à adopter de façon naturelle ?
En effet toute inclusion forcée n’est pas spontanée et donc pas sincère. Le public ne peut donc pas vraiment répondre positivement à un tel geste qu’il ne peut voir que comme étant teinté d’une forte hypocrisie. Il existe aujourd’hui des marques inclusives dont ce sont les valeurs de création. Les personnes préoccupées par ces valeurs se tourneront donc naturellement vers ces marques. La sincérité étant aujourd’hui tout aussi importante que les valeurs véhiculées. L’avènement des réseaux sociaux qui ont permis la propagation de l’information ont éduqué le consommateur qui n’est plus dupe.
De plus remplacer une injonction par une autre quand bien même elle est censée être positive n’est pas une bonne chose. Le jugement d’autrui n’a jamais été aussi présent dans notre société. Le body positive a permis de supprimer le fat shaming mais a eu pour conséquence de favoriser le skinny shaming. Il en est finalement de même, la discrimination et la haine est toujours là, elle a juste été déplacée.
Le mouvement du body positive est devenu un juge impartial, là où le body neutrality est finalement bien plus tolérant. La woke culture et autre mouvement positive contribue finalement à la stigmatisation voir parfois même à la caricature des minorités alors qu’on devrait plus les normaliser. Inclure par la force n’est pas naturel et contre productif. Il en est de même pour la parité obligatoire hommes / femmes au travail. Les hommes et les femmes devraient avoir des chances égales et on ne devrait pas imposer une femme au détriment d’un homme plus compétent sous prétexte qu’elle contribuerait à un quota. Au final cela conduit à un clivage plus qu’à un rassemblement.
